Dans un monde futuriste, un Docteur, au visage entièrement recouvert de tatouages, qui rappellent un autoportrait de Kendell Geers (artiste contemporain sud africain, musicien et réalisateur), demande à un vieillard de se souvenir de moments précis de sa vie. Le vieillard semble atteint de la maladie d’Alzheimer, ne se souvient de rien, à part sa date de naissance : le 9 février 1975. Nemo a aujourd’hui 117 ans, il est le dernier homme mortel sur terre, dans une société aseptisée. Un journaliste lui demande de se raconter. Là, il raconte ses vies, ses choix et ses non-choix, …
Un chef d’œuvre esthétique, terriblement troublant
C’est souvent en début d’année que l’on prend les plus grosses claques cinématographiques, et « Mr Nobody » fait partie de ces films qui vous mettent ok du début à la fin, et quelques jours encore après. On comprend pourquoi Jaco Van Dormael a souhaité peaufiner son film, méticuleusement le monter, puis remonter pour en extraire l’essence…
Esthétiquement magnifique, Van Dormael arrive à faire cohabiter dans un même film des décors futuristes avec des images aux couleurs saturées des années 60, le tout avec une cohérence et une poésie incroyable. Avec beaucoup de tendresse, il extrait la beauté des sentiments de son personnage principal, sa pureté et sa fragilité, dont toute la sincérité et l’émotion passe essentiellement par son regard. Regard hypnotisant face à tout l’amour qu’il renvoie à sa femme, ou plutôt aux femmes de ses vies.
« Mr Nobody » apporte une réflexion sur les choix de vie, commençant par le choix d’un enfant à qui on demande de choisir entre son père et sa mère sur le quai d’une gare. Face à ses 2 choix possibles, on pourrait penser que 2 vies bien différentes s’offrent à lui… mais c’est une multitude de vies qui deviennent possibles. Et c’est dans cet enchevêtrement de vies réelles, imaginaires, réalistes, irréalistes, que nous entraîne Van Dormael, en tentant par moment de nous y perdre, tel la mémoire défaillante du vieillard.
Côté casting, à projet titanesque, équipe de choc : tout d’abord, il faut souligner la performance de Jared Leto, tantôt mari soumis, amoureux transi, vieillard endormi, trentenaire réfléchi, qui une nouvelle fois nous prouve par ces choix filmographiques qu’il n’est pas qu’une belle gueule, mais sait aussi prendre des risques avec des films indépendants. Pour lui donner la réplique à Leto, Sarah Polley méconnaissable en femme dépressive, et Diane Kruger, étincelante de simplicité et de beauté, devenue brune pour l’occasion. On retrouve aussi avec plaisir Pascal Duquenne (Le huitième jour), dont prestation, même courte est très agréable. Mr Nobody sera également aussi le film de la révélation pour Toby Regbo, qui interprète le jeune Nemo, dont la sensibilité rappelle un personnage de Gus Van Sant.
Mr Nobody n’est pas un film qui remportera l’unanimité. Pour certains, il sera trop long, trop complexe, pas assez accessible, et pour d’autres ce sera le film qu’on voudra revoir, qui nous taraudera pendant des heures, des jours, … Pour moi, c’est une belle surprise de ce début d’année, et je peux très raisonnablement annoncé que Mr Nobody est indéniablement un des films qui feront partie de mon top 10 des films de 2010.